L’artiste Annkrist était à Douarnenez (Finistère), le dimanche 22 janvier 2023. Pour un moment suspendu et privilégié avec un public retrouvé et en partie renouvelé.
OUEST-FRANCE – Marion GONIDEC
Le cristal et la rocaille, ce timbre magique, sur un fil, des textes mondes et une présence qui peut faire songer à Colette Magny, à Danielle Messia, à Mama Béa, à Ferré aussi. Autant de comparaisons qui n’ôtent rien à la singularité d’Annkrist, de retour après un silence artistique long de vingt ans.
« Je fais partie des gens qui ont trouvé pourquoi ils étaient nés, pour chanter, enfin je suppose. De toute façon, tout finira par une chanson. La question que je me pose, mon obsession si l’on veut, c’est de savoir si cette chanson est digne de vous. » L’artiste, inconnue des unes il y a encore quelques mois, voix tumultueuse et radicale d’une jeunesse pour les autres, a fait son apparition, dimanche, à la librairie Les Métamorphoses, après un premier rendez-vous à Brest.
La ténacité du journaliste Jean-Luc Porquet a payé et les cinq albums vinyles d’Annkrist, produits puis autoproduits entre 1975 et 1986 (Annkrist, Tendre est ma nuit, Batik original, Bleu Cobalt, Ange de nuit), sont désormais réédités et disponibles en coffret CD, « Annkrist, enchantée ». Plus un ouvrage de textes des chansons, d’inédits et de photographies, paru en 2021 chez Goater.
« Je ne l’ai pas chantée depuis un millénaire »
De son humour abrasif, elle n’a rien perdu. Comme lorsqu’elle évoque les mutations du monde de la chanson et l’époque où elle est allée jusqu’à presser elle-même ses disques. « Le nerf de la guerre, c’est le fric et le fric, j’en ai pas, j’en ai jamais eu. D’ailleurs je vous remercie tous car en ce qui me concerne, je suis au minimum vieillesse, grâce à la solidarité, grâce à vous », lâche-t-elle.
« C’est un petit miracle »
Pour cette rencontre suspendue, les gens poireautaient dans le froid, dès 17 h, dimanche, à la porte de la librairie. Accompagnée du musicien Yann Honoré au cellobasse, Annkrist a repris quatre chansons dont Prison 101. « Je ne l’ai pas chantée depuis un millénaire, j’ai demandé l’aimable autorisation de mon fils puisque dans cette chanson, je dis que je n’enfanterai jamais. » Rires dans la salle. « Je la connais depuis l’époque de la coopérative Névénoé (coopérative d’expression populaire et label de musique basé à Morlaix, fondée par Patrick Ewen et Gérard Delahaye en 1973, rejointe par Melaine Favennec avec Kristen Noguès, Annkrist, Yvon Le Men), raconte Yann Honoré. « Puis, j’ai eu le plaisir de jouer avec Annkrist en 1997, à Glomel, à l’initiative de Cécile Borne. Nous avions répété chez elle, avec Jacques Pellen, à l’époque. Nous nous sommes vus, épisodiquement. Et Cécile m’a rappelé là, il y a peu. Cela s’est fait spontanément, les choses arrivent, très vite. C’est un petit miracle.»
« Ce disque, on va le faire »
Cécile Borne, artiste, plasticienne et chorégraphe, est une proche de très longue date de l’artiste. « J’étais gamine quand je l’ai connue, mon père faisait partie de Névénoé, il était musicien. C’était pendant toute cette émulation des années 70, Annkrist m’avait prise sous son aile. Quand elle a quitté la Bretagne, j’habitais Paris. J’ai été l’une des seules à garder le contact avec elle. C’est quelque chose qui vient de loin, elle jalonne mon parcours, ses chansons m’habitent complètement. C’est une grande amitié, complicité. Ce soir, c’est beaucoup d’émotion, enfin, enfin… », confie cette dernière. Plus question pour Annkrist de s’évanouir dans la brume. « Oui, ce disque, on va le faire », assure-t-elle en réponse à une question dans le public. « Et pour les textes, disons que j’ai tant composé de chansons que même si j’entrais en studio tous les jours, je pourrais pas suivre », assure-t-elle.
« J’ai été saisie par cette voix, ce phrasé particulier, il y a là une révolte qui couve, c’est viscéral. C’est un diamant. Des personnes qui sont capables de mettre ainsi leur âme à nue, il faut les rencontrer. Il n’y a que l’amour et l’art qui comptent dans la vie, non ? », livre Céline, venue en famille avec Sébastien et Adelaïde, et qui confie avoir été « émue aux larmes à certains moments ».